A Ninon Vallin
Si je vous disais, Ninon, que je vous aime,
Vous me diriez, "Voyons, je vous ai vu cinq fois".
Et bien malgré cela, ce serait vrai quand même,
C'est que, depuis toujours, je connais votre voix.
C'est qu'en vous entendant simplement, on vous voit,
Comme on voit le poète en lisant le poème,
Et qu'il suffit d'un disque ou subtil stratagème
Pour emporter partout votre coeur avec soi.
Ninon, je vous ai vue, avant de vous connaître,
Au coin d'un clair de lune, au bord d'une fenêtre,
Puis je vous ai connue, un soir harmonieux.
Alors, tout a changé, ô Malibran Nouvelle !
Dans votre voix, jadis, je voyais vos prunelles,
Et j'écoute, aujourd'hui, votre voix dans vos yeux !
Maurice Rostand
avril 1931